Henri, clopin-clopant
Henri boîte alors que je remonte avec lui du Lac Munkamba vers le village où une de ses amies nous attend pour souper. Malgré son handicap, il a l’allure rapide et décidée, semblable à sa voix et ses paroles qui veulent aller de l’avant. Son ton n’est, pour autant, ni prophétique, ni révolutionnaire.
Henri connaît les étapes de mon parcours. Il a réalisé un trajet similaire, d’Est en Ouest à travers le Congo, une dizaine d’années auparavant. Parti à pied du Kivu en 1996, il sera le 17 mai 1997 à la prise de Kinshasa. Son mentor, Laurent-Désiré Kabila, se proclame Président de la République démocratique du Congo. C’est la fin du régime de Mobutu.
Sa blessure à la jambe, Henri l’a contractée alors qu’il combattait dans les troupes de l’A.F.D.L.*. Je sens une zone sombre quand je lui demande s’il a tué d’autres Congolais. Pourra-t-il, un jour, en parler avec sérieux et gravité à quelqu’un ?
Aujourd’hui, même si « on manque de tout, nous pouvons à nouveau monter des plans pour l’avenir, me dit-il. Pour moi, j’ai vraiment senti une libération ».
Henri, l’Administrateur
Administrateur de territoire est un poste important dans la pyramide de pouvoir qui va du Gouverneur de Province au Chef de village. Pourtant, Henri, comme la plupart des fonctionnaires, gagne quelque 34 000 francs congolais par mois (moins de 30 euros), c’est-à-dire un salaire insuffisant pour vivre et entretenir une famille.
Nous nous promenons le long du Lac Munkamba, scrutant sur l’autre rive la villa du Gouverneur qui n’a manifestement pas le même salaire qu’Henri.
Nous faisons un détour vers ce terrain en friche où poussera peut-être un jour un centre de santé.
Malheureusement, Henri n’a pas de budget pour ces projets. Si, déjà, il avait un budget de fonctionnement ! Nous faisons cette balade sérieusement, sans penser un instant que nous pourrions être dans une farce gigantesque. Sans doute que ces projets s’imposent spontanément à la raison ou à l’humanité en chacun de nous.
En attendant que parviennent des financements en rapport avec ses missions, Henri, l’Administrateur, s’arrête en bord de route auprès d’une femme recroquevillée sur le sol, épuisée d’avoir marché plus de cent kilomètres après avoir été chassée par son mari. Il écoute longtemps son histoire. Il ira lui chercher des médicaments d’urgence et un abri.
De l’asphalte !
Une trentaine de kilomètres avant d’arriver à Kananga, la route devient ASPHALTEE !! Pour la première fois depuis mon entrée au Congo, je peux rouler plus d’une heure sans descendre du vélo pour le pousser.
C’est gai !