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Récit de voyage

Migrations au Kenya

5 déc. 2009  |  Olivier Croufer  |  Kenya

Mouvements sur l’escarpement Mau

Le long fossé qui s’est effondré de la Mer Rouge au Mozambique forme au Kenya une vaste vallée plutôt aride. Sur ces flancs, la Terre prend la forme de brusques escarpements, de plis en accordéon qui font valser le cycliste ou de Monts soudainement jaillis des profondeurs. Au contraire des savanes, ces protubérances montagneuses constituent des zones bien arrosées. Les Kenyans y cultivent du thé, du café, du maïs, la canne à sucre…

Depuis Naivasha que j’ai quitté ce matin, je roule dans le creux de cette Rift Valley. C’est une savane sèche, clairsemée de quelques acacias. Je longe l’escarpement Mau, une chaîne montagneuse qui culmine à plus de 3000 mètres et qui arrête l’horizon à ma gauche. Cette zone vient contraster avec la vallée. Elle est bien arrosée, elle est couverte de forêts (les Mau Forest) et constitue, dans un pays souvent sec, une précieuse réserve d’eau.

Depuis plusieurs semaines, la tension monte sur une partie de ces Mau Forest. Ou du moins, ce qui était des forêts : car des gens s’y sont installés pour y développer des cultures au lieu où poussaient les arbres. Ce grand réservoir d’eau est, aujourd’hui, menacé et le gouvernement a lancé des expulsions pour se réapproprier ces terres et les reboiser. Tout le monde semble y passer, les pauvres qui ont investi un petit lopin de terre, les riches exploitants qui ont implanté des champs de thé, des militaires qui avaient reçu, plus ou moins illégalement, un morceau de terrain comme salaire.

Je loge ce soir dans la vallée, au pied du Mau Summit. Demain, je passe au travers de cet escarpement et ses tensions migratoires. Manifestement, j’aurai une belle montée en matinée. Oui, j’aime ça.

Proliférations démographiques

Quand je fais des pauses en bord de route, j’aime demander aux personnes d’où elles viennent. Cette question entraîne une conversation qui vient se mettre en écho aux brins de récits que je fais de mon voyage. J’ai le sentiment que, par ici, les déplacements des personnes sont très nombreux et cette histoire des Mau Forest parle un peu des problèmes de l’Afrique.

Le Kenya voit sa population proliférer à des vitesses qu’il n’a jamais connues. En dix ans, celle-ci est passée de 29 à 39 millions. Un saut de 10 millions d’habitants en si peu de temps me paraît une donnée fantastique. Chacun peut imaginer les problèmes à affronter pour se loger, se nourrir, trouver une place à l’école, se soigner. Ici, la plupart des gens se déplacent pour tenter de trouver des réponses à ces besoins les plus primaires.

Voyage dans les inégalités

Aussi superficiel que soit mon voyage, il est évident que les bouts de territoires que je traverse révèlent des inégalités manifestes sur des éléments aussi fondamentaux que les sources de revenus, de nourriture, d’éducation ou de santé. Le Nord aride du Kenya, par lequel je suis arrivé, fait appel à l’aide internationale car il a faim. La ville de Kericho où je dors ce soir est au cœur d’une région agricole de culture de thé manifestement très dynamique et le centre est animé de commerces, d’écoles et de centres de santé.

Déjà à l’intérieur d’un pays, notre monde peut être très inégal. Ces inégalités, l’espoir d’en sortir et le désir de trouver ailleurs des occasions de vie meilleure motivent tous les migrants que je rencontre. Je me sens toujours dans une troublante amitié lorsque j’entends le contexte de ces voyages.