L’écorce craquelée
Presque soudainement, la Terre s’est plissée, l’étoffe de sa surface s’est chiffonnée, bombée, effondrée tel un vaste drapage baroque mis en mouvement par le sculpteur. Je descends dans ces anfractuosités, remonte les boursouflures, plus vite, plus lent, c’est la joie des changements de rythme.
Jadis, l’écorce de la Terre s’est craquelée et fracturée, une faille s’est dessinée et, aujourd’hui, de longs fossés traversent la partie orientale de l’Afrique. Les anglophones les appellent les Rifts valleys. Ils s’allongent sur plus de 6400 kilomètres, de la Mer rouge au Mozambique. Leur profondeur peut atteindre 1400 mètres.
Ces plis seront mon paysage pendant de nombreuses semaines. Je devrais rencontrer des montagnes, le Mont Kenya (5199 mètres), le Mont Kilimandjaro (5895 mètres). Je roulerai au bord d’immenses fosses remplies d’eau, les Grands lacs tels le Tanganyika.
Aujourd’hui, la bicyclette s’égaie de cette nouvelle ambiance, curieuse de chaque paysage que lui cache malicieusement chacune des collines.
Réveil à flanc de montagne
La veille au soir, le campement avait été dressé sur les flancs de la montagne.
L’air est frais. On se sent pur.
De légers cours d’eau dégringolent les pentes, petits préludes au Nil. Chacun vient puiser dans ces ruisseaux, hommes, chèvres et vaches. J’en profite pour me raser.
L’ascension vers Aykel
Le col est long, la montée lente. Des flux d’enfants montent ou descendent, ceux qui ont revêtu leurs plus beaux habits pour se rendre à l’école ou ceux du même âge dont le destin est d’accompagner les troupeaux.
Une fine pluie d’altitude enveloppe d’un voile de fraîcheur le rythme de la montée. Mon corps chante. Les vastes étendues qui m’entourent sont découpées de tous les verts sortis de la Terre. Les verts sauvages des herbes folles, les verts des champs des hommes, les taches plus sombres des arbres ombrageux. Frêle et mouillé sur ma bicyclette, je grimpe en dansant dans les variations de cette couleur.