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Récit de voyage

Vertus du paysage

 |  Olivier Croufer  |  République démocratique du Congo

Au bout du tunnel

Sylvain m'entraîne à vive allure depuis deux jours. Il reste 115 km pour Lodja. "Faisable en une journée", me dit-il. Je doute absolument car je n'ai jamais atteint un tel kilométrage sur ces pistes ravinées.

Mais soudain nous déboulons de la forêt sur une ligne droite qui cingle l'étendue. Le paysage me renverse, je me redresse d'un coup de pédale. Le vert est plus vif. Le regard peut à nouveau divaguer dans le lointain. Après des semaines d'ensevelissement humide, je suis pétillant, comme si l'embrasure offerte par le paysage donnait également des vues nouvelles sur la vie.

Dans le même mouvement, Sylvain accélère sa course, la piste devient complice de notre enthousiasme, elle change de texture, s'élargit et s'aplanit.

Nous arrivons heureux à Lodja, précédant de justesse la descente du soleil avec laquelle nous faisions la course.

Désenclavés

 
Dessin de Frédéric Hainaut. Nuages 1

Géographiquement, je suis au centre du Congo. Les vallons se déplient comme des vagues de joie au milieu de ces savanes, ouvertes à l'horizon. Le vélo dégringole et remonte les pentes, je navigue au cœur d'un infini.

Tous me parlaient d'un Sankuru enclavé, isolé des voies de communication. Le paysage m'intime une intuition en léger décalage. Je sentais que les questions relatives à la souffrance des hommes que la forêt avait amassées par-ci par-là allaient pouvoir se déployer et prendre corps sur cette savane souveraine.

Développements

 

En 1997, les habitants de Wembo Nyama envahis par les Maï Maï et les Rwandais s'enfuirent dans la forêt. Mais en 2002, Louise est restée dans la maternité où elle était infirmière. Elle ne voulait plus creuser des trous pour se cacher, se vêtir de vêtements en lambeaux, vivre à côté de malades à l'agonie. Aujourd'hui encore, elle continue de se rendre dans les villages pour sauver les mères et les bébés dont les accouchements se sont compliqués.

"Nous avons senti ici et là une certaine atmosphère d'autoprise en charge, me dit Hubert. C'est la raison pour laquelle nous avons créé cette association, Ayedja aya kenda kenda". Maman Louise traduit, dépliant longuement les ramifications des mots dans l'histoire des habitants du Sankuru. "Moi, je suis une femme. Je peux concevoir, mettre au monde un enfant, après l'avoir porté douze mois, cet enfant doit marcher. C'est-à-dire un signe de développement. Mais dans notre contrée, nous sommes encore un milieu sous-développé et depuis nos ancêtres, c'est comme si on ne marche pas. Il est temps de marcher."