| Olivier Croufer | République démocratique du Congo
Masse
Dans la pâte verte de la forêt tropicale, le soleil est devenu puissance d'arrière-monde. Mon tempérament m'incline à préférer sa présence pure, dans le désert notamment, quand il ne laisse vivre qu'un fragile filament végétal sur la Terre. Je me sens alors plus proche de ma condition d'être humain, délicat corpuscule en transit vers le monde minéral.
Rayons
Au vu du soleil du matin, je prends de l'allant et j'ambitionne septante kilomètres. La lumière qui transperce la canopée éclaire les sons des branches qui craquent et dégringolent. Je roule gaiement dans une enveloppe sonore protectrice. L'imaginaire lugubre et menaçant que j'avais fomenté sur l'intérieur de ce couloir vert s'envole à coup de pédales. Quelle joie d'éprouver que le monde de l'expérience n'est pas le monde rêvé.
Pauvreté
Septante kilomètres étaient, en effet, beaucoup. J'arrive à la tombée de la nuit.
Je mange du manioc râpé. Il ne semble y avoir rien d'autre. Je n'aime pas mais c'est sans importance. Je constate une forme de difficulté ou de pauvreté (je ne sais pas quel mot employer). Je demande "comment ça va ?". J'écoute longtemps.
Je vais dormir sans dire trop de mots car je suis très fatigué.