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Voyager à vélo

Constellations

 |  Olivier Croufer  |  Mali

Un voyage ébranle les habitudes, dont la tendance que nous avons à nous prendre pour des personnes.

Dessin de Frédéric Hainaut. Fleurs 1

A circuler une année à vélo sur le corps de la Terre, à épouser les lignes des pistes de latérite, à franchir des cols et passer par mille variations intensives, à s’arrêter devant les cases de banco et partager des fragments d’histoires, à fuir vers la lumière et se faire écraser par le soleil, en déboulement de toutes ses lignes, on a l’étrange intuition que le voyage construit bien plus qu’une personne.

Nous devenons des lignes évanouissantes sur lesquelles nous nous installons. Bien plus qu’un « je », le voyage construit des lignes en tension qui s’enfuient vers la périphérie, tout un monde qui ne commencerait pas par soi mais par des rencontres inattendues et qui ne seraient possibles que parce qu’on a décidé de commencer sa vie par un lointain.

Un voyage est un événement. Il fait surgir un territoire inattendu. Il prend des bouts de Terre pour faire ses esquisses et assemble de façon surprenante des fragments et des histoires volatiles empruntés aux différents milieux qu’on a rencontrés sur la route. Ce territoire n’est jamais donné d’avance. On se le fait, on se le construit par expérimentation sur des lignes de vie.

Je conçois que se faire son territoire est un exercice difficile, voire dangereux car on ne sait pas d’avance si ces lignes de vie ne vont pas nous perdre ou nous dissoudre. J’ai été prudent. J’ai le sentiment de m’être dépensé sans compter durant ce voyage. J’ai essayé de vaincre mes peurs, d’aller vers les gens qui m’étaient tous les jours inconnus, j’ai affronté les reliefs, poussé mon vélo dans les sables. Je me suis efforcé d’aller là où mon intuition m’invitait à m’en aller.

Dessin de Frédéric Hainaut. Fleurs 6

A se construire des territoires singuliers, peuplés de bandes amies et évanouissantes, de minéraux volatils et d’intensités en balade, progressivement se modifie notre manière d’être là, sur Terre.

On ne se vit plus alors uniquement comme une personne mais comme une manière d’être au milieu de … Le désir devient une façon de glisser parmi… Il se remplit de ses contemplations, de la façon de faire ses assemblages, de ses manières de dessiner ses constellations de forces et de lumières qui s’en vont au loin.